Comment faire du confinement une opportunité ?

Peu avant le confinement nous avons rencontré Émilie Piouffre, psychologue qui vit et travaille à Saint-Cyr-l'École. Nous avions été très touchés il y a quelques semaines par sa simplicité et son approche très humaine des questions qui sont au coeur de nos vies. Ancienne psychologue en milieu carcéral, Emilie Piouffre achève actuellement une thèse de recherche sur le mal-être et le suicide des personnels pénitentiaires, tout en menant parallèlement une activité de psy libérale à domicile. De quoi avoir une certaine expertise sur le concept d’isolement… Et de confinement. Ayant comme nous tous un peu plus de temps en ce moment, cette professionnelle a publié plusieurs analyses sur le confinement qui nous touche tous actuellement. Avec son autorisation nous publions ici un extrait d'un de ses articles pour le site "Pros consulte" qui donne quelques clés pour vivre au mieux cette période contrainte.



Comment transformer au mieux les effets du confinement et penser le temps d’après ? 

Nous sommes désormais des milliards à vivre une situation inédite, celle du confinement. Pour nous en sortir au mieux, peut-être faut-il la vivre comme une expérience humaine de plus ? Et même, peut-être une opportunité de vivre mieux après.

Ce moment de repli que nous vivons permet de changer son rapport au temps et à l’urgence puisqu’il va de soi que ce n’est plus la productivité et l’argent qui compte actuellement, mais sauver sa vie et celle des siens. Ce n’est plus la même temporalité.

Il existe des ressources pour prendre soin de sa santé mentale et de celle des autres en cette période d’épidémie et de confinement. Beaucoup de professionnels se sont mobilisés pour mettre à disposition ces ressources sur Internet. Voici quelques pistes reprises par nombres de professionnels :

 

  • Information et communication (comprendre) – s’informer sur des sites fiables mais pas en continu
    • Restez informés sur ce qu’il se passe, tout en limitant votre exposition aux médias. Évitez de regarder ou d’écouter les informations en continu 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, car cela a tendance à augmenter l’anxiété et l’inquiétude, le stress, la panique. Soyez vigilants et limitez l’exposition de vos enfants à ces médias pendant l’épidémie. Ils sont particulièrement affectés par ce qu’ils entendent et voient à la télévision. Vérifiez régulièrement avec eux ce qu’ils ont pu intégrer, et corrigez les fausses informations.
    • Consultez des sources d’information fiables sur l’épidémie et la maladie : vous pouvez contacter le numéro vert national au 0800 130 000 (appel gratuit, 7j/7, 24h/24). N’ayez pas peur de poser des questions, une communication claire avec un professionnel de santé peut aider à réduire la détresse associée à la distanciation physique, à la mise en quarantaine ou à l’isolement.

 

  • Restez en contact avec ses proches, restons chez nous mais maintenons le lien !
    • Restez en contact avec les personnes en qui vous avez confiance est l’un des meilleurs moyens de réduire l’anxiété, la dépression, la solitude et l’ennui pendant la distanciation physique, la quarantaine et l’isolement. Vous pouvez utiliser le téléphone, les mails, les sms, la visio, les réseaux sociaux pour vous connecter avec vos amis, votre famille et d’autres personnes.
    • Cherchez du soutien auprès de vos amis et de votre famille en parlant avec eux. N’hésitez pas ainsi à parler de vos expériences et de vos sentiments à vos proches et amis, si cela vous réconforte.
    • Les écoles peuvent aussi potentiellement proposer des moyens supplémentaires pour rester en contact.
    • Prenez des nouvelles de ceux qui vivent seuls ou sont les plus isolés en les appelant régulièrement, pourquoi pas par visioconférence.
    • Pour les personnes isolées, à défaut de pouvoir contacter des proches, intégrez des groupes de soutien local ou de discussion en ligne : leurs effets bénéfiques contre l’ennui ou l’isolement sont semblables au fait d’échanger avec des connaissances. Il est important de limiter l’ennui et de maintenir le lien social.
    • Cultivez la communication bienveillante : « comment vas-tu aujourd’hui ? », « comment puis-je t’aider ? », « as-tu envie de parler ? ».
    • Remerciez et encouragez les personnes qui sont en confinement sans oublier les enfants : « tu es courageux », « je suis fière de toi ». La bienveillance et l’ouverture augmentent la capacité à traverser l’adversité et reflètent le meilleur de nous-même et de la nature humaine

 

  • Moyens de prendre soin de votre santé psychique au cours de ces expériences.
    • Soyez votre propre allié.
    • Parlez de vos besoins.
    • Modifiez vos routines pour les adapter à la situation, concentrez-vous sur ce que vous êtes en mesure d’accomplir.
    • Modifiez vos attentes et vos priorités pour ne garder que ce qui fait sens pour vous et vous donne un sentiment d’accomplissement.
    • Accordez-vous de vraies pauses pour vous vider la tête.
    • Détendez votre corps souvent en faisant des choses qui fonctionnent pour vous : respirez profondément, étirez-vous, méditez ou faites des activités que vous aimez.
    • Trouvez un rythme pour les activités stressantes : faites quelque chose qui vous plaît après avoir accompli une tâche difficile.
    • Prenez conscience que le confinement est temporaire même s’il peut être long.
    • Entretenez les sentiments positifs, comme l’espoir, vous pouvez par exemple tenir un journal où vous écrirez ce qui vous fait du bien. On peut aussi s’appuyer sur le positif qui existe autour de nous, comme l’entraide entre voisins, les jeux à distance, les applaudissements à la fenêtre qui permettent de créer du lien social et favorisent un sentiment d’appartenance. Le lien positif à l’autre joue dans la capacité de résilience c’est-à-dire la capacité à surmonter les chocs traumatiques. Le fait d’avoir conscience que son confinement est un geste altruiste permet de mieux le vivre, il participe à sauver des vies. C’est un acte d’amour plus grand que soi.

 

  • Réalisez des activités :
    • Changez-vous les idées avec des activités ludiques, de relaxation ou même sportives à la maison.
    • Maintenez une bonne hygiène de vie (nourriture, sommeil, se laver, s’habiller, étirements).
    • Proposez des activités pour réduire l’ennui.
    • Engagez-vous dans des activités à domicile qui ont été efficaces par le passé lors de situations stressantes comme lire, écrire, regarder des films, écouter de la musique, jouer à des jeux, faire de l’exercice, classer vos photos, faire les albums de vacances que vous n’avez jamais eu le temps de réaliser, accomplir de nouvelles expériences créatives : faites-vous confiance !
    • Utilisez ce temps pour faire tout ce qu’on ne fait jamais parce qu’on n’a « pas le temps ».

 

  • Soutenez vos enfants, encouragez-les à poser des questions, aidez-les à comprendre la situation
    • Soutenez vos enfants dans leurs apprentissages scolaires à distance. Retrouvez avec eux des moments de partage simple, d’inaction, d’expérimentation de l’ennui. C’est un moment utile pour développer leur imagination et la contemplation. Vous n’êtes pas professeurs. Vous faites au mieux, essayez de retrouver cette capacité à rêver en famille plutôt qu’alimenter des comportements trop scolaires. Cela aura plus d’impacts dans leur manière d’être, de percevoir, d’apprendre.
    • Apprenez-leur à identifier les émotions qu’ils peuvent ressentir et expliquez-leur que ces réactions sont normales en situation d’épidémie et de confinement.
    • Patience, tolérance, réassurance verbale et physique sont les maîtres mots.
    • Refaites le point avec vos enfants régulièrement ou lors de changement de situation.
    • Encouragez l’expression lors de jeux, de lecture d’histoires.
    • Prévoyez un temps calme et réconfortant avant le coucher.
    • Proposez-leur de faire des activités utiles et constructives, comme participer aux tâches ménagères ou aux gestes d’hygiènes pour qu’ils se sentent utiles.
    • Maintenez un rythme de vie similaire concernant l’heure de lever, de coucher, des repas et d’exercice physique y compris dans un espace restreint.
    • Maintenez une routine régulière, quotidienne : se lever, se laver, manger aux horaires habituels…

Cette expérience peut nous rapprocher, nous pouvons redécouvrir nos enfants, créer un autre lien. Profiter pour faire de belles choses, expérience originale pour redécouvrir ses enfants. Et quand vos enfants vous agacent, ne culpabilisez pas, dites-vous que c’est normal mais rappelez-vous combien vous les aimez et à quel point ces moments passés avec eux peuvent être précieux.

 

Lien vers la publication complète : https://www.pros-consulte.com/blog/comment-expliquer-et-comprendre-le-confinement-afin-de-le-vivre-mieux/

Retrouvez également l’interview d’Emilie Piouffre dans le magazine Society : https://www.society-magazine.fr/psychologe-isolement-confinement/

Article publié le : 3 avril 2020.
Mis à jour le 3 avril 2020 à 16 h 41 min